France Les crimes et délits ont augmenté de 9,6% L’insécurité poursuit la gauche Une hausse de près de 10% de la délinquance enregistrée au premier semestre 2001: voilà de quoi alimenter le débat sur l’insécurité, thème majeur des échéances électorales de 2002. Après les mauvais chiffres du chômage, il en est d’autres qui ont de quoi perturber les vacances du Premier ministre Lionel Jospin. Comme celui de la délinquance en France, en hausse de 9,6% au premier trimestre 2001 par rapport à l’an dernier. Ces chiffres, publiés mercredi par la Direction générale de la Police nationale (DGPN), viennent alimenter le débat politique autour de l’insécurité, thème majeur des campagnes législative et présidentielle de 2002. Les syndicats de policiers avaient déjà annoncé en juin dernier une hausse de près de 12% des crimes et délits, suscitant de nombreuses critiques de députés et sénateurs de l’opposition, et obligeant le ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant, à reconnaître une augmentation marquée des faits constatés . Le nombre de coups et blessures a été multiplié par quatre depuis 1972 Le 4 juillet, le Premier ministre a confié une mission de réflexion aux députés Christophe Caresche (PS) et Robert Pandraud (RPR), afin d’élaborer un nouvel instrument statistique de mesure de l’insécurité. Ce qui n’a pas empêché Jacques Chirac d’enfoncer le clou le 14 juillet en martelant lors de son intervention télévisée: Il faut que la sécurité, qui est la première des libertés, soit garantie à tous les Français où qu’ils habitent, 24 heures sur 24. Cette insécurité croissante, cette espèce de déferlante, est inacceptable. En publiant ce chiffre intermédiaire du premier semestre 2001, le gouvernement s’efforce d’en réduire l’impact. Bien que reconnaissant la recrudescence de certains délits (vols de portables, coups et blessures volontaires, infractions économiques et financières…), les services du ministère de l’Intérieur expliquent en partie cette augmentation par une amélioration de l’outil de comptabilité et une plus grande efficacité des services de police et de gendarmerie. La mise en place d’une police de proximité a notamment entraîné des dépôts de plainte plus importants. La DGPN fait aussi valoir de nouvelles obligations légales faites aux services de prendre en compte toutes les plaintes, même celles concernant des faits hors du ressort. Si l’on n’est pas exactement dans la «déferlante» évoquée par le président de la République, l’on ne peut ignorer toutefois les tendances lourdes: bien que le nombre d’homicides continue de décroître (20,83% de baisse depuis 1992), en revanche, le nombre de coups et blessures a été multiplié par quatre depuis 1972. Et les statistiques publiées mercredi confirment la poussée. Une nouvelle arme pour l’opposition, qui n’a pas manqué de dénoncer une fois de plus la politique frileuse du gouvernement en matière de sécurité. Le porte-parole de Démocratie libérale, Claude Goasguen, a emboîté le pas au RPR en se prononçant pour la mise en place d’un véritable plan Orsec de la sécurité. En ne donnant pas à la police les moyens d’agir, en provoquant un engorgement sans précédent de la justice, le gouvernement récolte aujourd’hui les fruits de la politique désastreuse qu’il mène depuis 1997, a-t-il déclaré. Pour la droite, seul un accroissement des pouvoirs des élus locaux dans ce domaine est susceptible de faire baisser la délinquance. Le RPR a encouragé les initiatives prises par eux, telles le couvre-feu dans certains quartiers sensibles pour les mineurs de moins de 13 ans. La question est sujette à polémique (voir ci-contre). Le gouvernement lui-même ne parvient pas à se mettre d’accord et n’a pas encore pris officiellement position sur le sujet. On l’aura compris, l’insécurité constitue un sérieux boulet pour la gauche dans la perspective des échéances électorales de l’an prochain. Les défaillances supposées de la majorité en la matière ont d’ailleurs déjà débouché pour elle sur des sanctions lors des municipales du printemps dernier. Le couvre-feu, une solution? Pour tenter d’endiguer la délinquance juvénile pendant la période estivale, certains maires de France ont opté pour un système répressif déjà appliqué en Grande-Bretagne et dans certaines villes américaines: le couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans de 23 à 6 heures. C’est Orléans qui a ouvert la brèche début juillet en instaurant ce dispositif dans quatre secteurs sensibles de la commune. Jusqu’ici, la justice française s’y était toujours opposée. Depuis qu’elle a été validée par le Conseil d’Etat le 9 juillet, la mesure, très controversée, a fait des émules. A Cannes, Nice, Orange ou Colombes (Hauts-de-Seine). Dans «Le Monde» de jeudi, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, dénonce cette méthode qui revient à stigmatiser quelques lieux au sein de la cité et à assumer ainsi une logique ségrégationniste susceptible d’aggraver les problèmes au lieu de les résoudre. Cette stigmatisation, Claude Bartolone, le ministre délégué à la Ville, l’a pointée aussi après la décision du Conseil d’Etat: Pour se préoccuper des difficultés des mineurs, il faut se poser la question de savoir comment aider les parents à retrouver leur autorité et renforcer la présence d’éducateurs dans les quartiers sensibles. Même la Ligue des droits de l’homme a pris parti contre le couvre-feu et déposé des recours devant les tribunaux administratifs. A Cannes, la Croisette et les abords du palais des Festivals sont interdits. Cela signifie: «Pas de ces gens-là sur nos trottoirs!», note Catherine Cohen-Seat, une avocate de la LDH. A Orléans, l’adjoint à la sécurité du maire souhaite empêcher qu’une génération d’enfants ne se transforme en délinquants en les laissant à l’école de la rue. Pour l’heure, le dispositif est limité à l’été, mais d’aucuns, comme le maire de Cagnes-sur-Mer, souhaitent le voir appliqué toute l’année.
Vendredi 3 août 2001 in Le Soir – Caroline Gourdin